On ne saurait trop insister sur l’importance de réagir adéquatement en cas de plainte d’intimidation et de harcèlement au travail (pour en savoir plus sur les risques que soulèvent les enquêtes menées de façon inappropriée, écoutez notre balado Investigations in the Workplace).
Bien que la nature, la forme et le contenu des plaintes puissent varier, toutes les plaintes d’intimidation et de harcèlement, qu’elles soient officielles ou non, doivent faire l’objet d’une réponse appropriée, en toute conformité aux politiques et aux lois applicables. Cet article expliquera de façon générale comment réagir efficacement en cas de plainte.
1. Répondre aux préoccupations immédiates en matière de sécurité et de signalement
La plupart des plaintes ne comportent pas de risque immédiat pour la santé ou la sécurité. Toutefois, lorsque les allégations sont graves, par exemple lorsqu’une personne dénonce une agression sexuelle ou une autre conduite violente, la sécurité des employés doit être assurée immédiatement. Pour ce faire, il peut être nécessaire de signaler les allégations aux forces de l’ordre et de prendre des mesures pour sécuriser le lieu de travail (par exemple, en plaçant le présumé harceleur en congé payé en attendant l’issue d’une enquête sur la plainte).
Nous conseillons fortement aux employeurs qui reçoivent une plainte comportant de graves allégations d’obtenir immédiatement un avis juridique. Dans certains cas, vous avez aussi l’obligation de communiquer immédiatement avec votre assureur.
2. Passer en revue la politique de l’entreprise et les lois applicables
Les employeurs canadiens doivent se doter d’une politique en matière de harcèlement et d’intimidation qui est conforme aux lois applicables en matière de santé et de sécurité. Nous vous recommandons de faire réviser votre politique par votre ou vos conseillers juridiques et de vous assurer qu’elle établit clairement le processus à suivre en cas de plainte. Vous disposez d’une politique réfléchie et bien rédigée? Elle ne vaut pas grand-chose si vous ne l’appliquez pas! Avant de réagir face à une plainte, les employeurs doivent s’assurer de passer en revue et de mettre en œuvre leur propre politique.
Les employeurs doivent également vérifier quelles lois s’appliquent à leur organisation (par exemple, les règles pour les employés sous réglementation fédérale sont différentes de celles pour les employés sous réglementation provinciale). Dans de nombreux cas, les allégations de harcèlement et d’intimidation nécessiteront également un examen des lois sur les droits de la personne applicables et du cadre de santé et de sécurité au travail.
3. Évaluer la plainte
Ce ne sont pas toutes les plaintes qui sont de véritables plaintes d’intimidation et de harcèlement. Une enquête n’est généralement nécessaire que dans l’éventualité où l’on pourrait conclure, si la plainte est fondée, que les comportements allégués constituent du harcèlement. Les conflits de personnalités, les plaintes au sujet du style de gestion ou les prises de bec quotidiennes en milieu de travail sont des exemples de problèmes qui ne nécessitent probablement pas une enquête officielle. Toutefois, ils peuvent justifier un examen informel (surtout s’ils sont susceptibles de s’aggraver).
À ce stade, l’employeur doit s’assurer que la plainte initiale est suffisamment détaillée pour lui permettre de l’évaluer et de planifier son enquête. Si la plainte est écrite et comprend tous les détails des allégations (c.-à-d. les dates, les témoins et la nature exacte de la conduite en question), l’employeur sera probablement en mesure de planifier l’enquête; sinon, il devra peut-être obtenir des détails supplémentaires du plaignant. Assurez-vous de tenir compte des préoccupations en matière de protection de la vie privée, même à ce stade précoce, et informez le plaignant de ses obligations en vertu de la politique applicable relativement à la confidentialité du processus.
4. Planifier l’enquête
La portée d’une enquête dépendra entièrement de la nature de la plainte. En règle générale, les enquêtes peuvent être menées à l’interne (habituellement par un professionnel des ressources humaines) ou par un enquêteur externe. Dans les deux cas, les enquêtes doivent être menées en temps utile, dans le respect des principes d’équité procédurale et conformément au cadre juridique applicable.
La nature de la plainte, la gravité des allégations, les compétences internes en matière d’enquêtes en milieu de travail, les considérations relatives à l’affectation des ressources et à la rapidité d’exécution, la question de savoir si le privilège peut être justifié, et l’impression de partialité ou de neutralité par rapport à la plainte sont tous des facteurs pertinents à prendre en considération au moment de déterminer s’il faut externaliser une enquête. Le recours à un enquêteur indépendant est conseillé lorsqu’une plainte met en cause des cadres supérieurs ou comporte des allégations graves ou lorsqu’une entreprise manque de professionnels des ressources humaines chevronnés.
5. Mener l’enquête
Les directives détaillées pour mener une enquête interne efficace sur le lieu de travail dépassent la portée du présent article. Dans le cadre d’une enquête type, le plaignant, l’intimé et les témoins doivent être interrogés, et tous les documents ou autres éléments de preuve pertinents relatifs aux allégations doivent être examinés. Encore une fois, il faut respecter les principes d’équité procédurale et l’enquêteur doit s’assurer de demeurer impartial et objectif tout au long du processus.
Si l’entreprise a retenu les services d’un enquêteur indépendant, celui-ci travaillera avec elle pour obtenir les accès et les renseignements dont il aura besoin pour mener à bien son enquête. D’entrée de jeu, les parties devraient signer une lettre-mandat qui confirme l’étendue de la mission de l’enquêteur et les attentes de l’employeur quant au produit final (par exemple, si vous voulez que l’enquêteur fournisse également des recommandations, en plus d’une conclusion sur la plainte).
6. Conclure l’enquête
Une fois l’enquête terminée, il faut déterminer si les allégations étaient vraies, en tout ou en partie. Pour ce faire, l’enquêteur devra tirer des conclusions de fait et pourrait devoir évaluer la crédibilité des témoins. L’enquêteur préparera ensuite un rapport d’enquête dans lequel il exposera sa conclusion et le fondement de celle-ci (ce rapport pourrait comprendre un rapport détaillé et un résumé).
Le plaignant et l’intimé doivent tous deux être informés du résultat, conformément à ce qu’exigent les lois applicables. Si la plainte est fondée, en tout ou en partie, l’employeur doit décider des prochaines étapes appropriées et déterminer s’il y a lieu d’imposer des mesures disciplinaires. À cette étape, il est généralement bon d’aller chercher des conseils juridiques afin notamment de s’assurer que les mesures qui seront prises respectent le cadre de la loi.
7. Mettre à jour les processus et la politique de l’entreprise
Une plainte est une excellente occasion de passer en revue la politique de l’entreprise afin de déterminer ce qui a fonctionné ou ce qui n’a pas fonctionné lors de la mise en œuvre de celle-ci. Par exemple, il faudra peut-être ajouter dans la politique des précisions quant aux personnes à qui l’on doit signaler les plaintes ou modifier la politique afin de permettre une plus grande souplesse pour ce qui est d’adapter la réponse à certains types de plaintes.
Tirez parti d’une plainte et de l’enquête sur cette dernière pour améliorer la sécurité de votre lieu de travail ainsi que votre capacité à réagir de la meilleure façon face aux futures plaintes.
Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec l’auteure de cet article, Victoria Merritt, ou avec les responsables du groupe Enquêtes dans les milieux de travail et Stephanie Lewis.
Cet article a été traduit de l’anglais. Pour obtenir de plus amples renseignements ou du soutien en français, veuillez communiquer un membre du groupe Droit du travail du bureau de Montréal.